Open Access
Issue
BIO Web Conf.
Volume 9, 2017
40th World Congress of Vine and Wine
Article Number 01007
Number of page(s) 5
Section Viticulture
DOI https://doi.org/10.1051/bioconf/20170901007
Published online 04 July 2017

© The Authors, published by EDP Sciences 2017

Licence Creative CommonsThis is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License 4.0 (http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/).

1. Une politique publique française tournée vers l’agroécologie et la préservation de l’environnement

En 2014, les Pouvoirs Publics français ont lancé le projet agroécologique pour la France [1], projet ayant l’objectif d’engager la transition de l’agriculture française vers de nouveaux systèmes de production plus performants dans les dimensions économique, sociale et environnementale.

Les dispositions de la Loi d’avenir Agricole promulguée le 14 octobre 2014 [2] confirment cette orientation, notamment en retenant la définition de l’agroécologie :

« Les systèmes de production agroécologiques privilégient l’autonomie des exploitations agricoles et l’amélioration de leur compétitivité, tout en maintenant ou en augmentant leur rentabilité économique, en améliorant la valeur ajoutée des productions et en réduisant la consommation d’énergie, d’eau, d’engrais, de produits phytopharmaceutiques et de médicaments vétérinaires, en particulier les antibiotiques. Ces systèmes de production agroécologiques sont fondés sur les interactions biologiques et l’utilisation des services écosystémiques et des potentiels offerts par les ressources naturelles, en particulier les ressources en eau, la biodiversité, la photosynthèse, les sols et l’air, en maintenant leur capacité de renouvellement du point de vue qualitatif et quantitatif. Ils contribuent à l’atténuation et à l’adaptation aux effets du changement climatique. »

Les Pouvoirs Publics français ont également mis en place le plan Ecophyto, débuté en 2008 et remplacé par la suite par le plan Ecophyto II [3], qui vise à instaurer un cadre d’action pour parvenir à une réduction de la consommation des pesticides compatible avec le développement durable.

Par ailleurs l’Etat a développé depuis 2012 un système de certification environnementale des exploitations agricoles [4], basé sur les thématiques Biodiversité, Stratégie phytosanitaire, Gestion de la fertilisation et Gestion de la ressource en eau. Ce système, conçu sur une logique de certification progressive de l’ensemble de l’exploitation, présente trois niveaux : le premier correspond à la maitrise de la réglementation environnementale de la conditionnalité des aides de la politique agricole commune, le second correspond à des obligations de moyens et permet de mettre en œ uvre des axes de progrès environnementaux, le troisième (Haute Valeur Environnementale) s’appuyant sur des niveaux d’indicateurs à atteindre dans les exploitations et traduit donc une obligation de résultats.

Les différentes orientations prises nationalement visent donc à favoriser l’implantation effective de projets environnementaux dans les différents systèmes agricoles français, tout en s’assurant qu’ils bénéficient également d’une réelle rentabilité économique.

2. Les orientations de l’INAO dans les modes de production des indications géographiques viticoles

2.1. Depuis 1935, le système des indications géographiques françaises, AOC et IGP, repose sur un système original de cogestion

Depuis la création du système des AOC en 1935, la gestion des indications géographiques a été confiée à l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO), organisme public dont une des missions est de valider les propositions de condition de production dont le respect permet au produit d’acquérir les qualités substantielles ayant permis la reconnaissance de l’AOC.

La revendication d’une indication géographique par une exploitation entraine de facto l’adhésion de celle-ci à une structure collective, longtemps dénommée syndicat de défense de l’appellation. Cette structure est reconnue depuis 2007 par l’INAO comme étant « l’organisme de défense et de gestion » (ODG) de l’indication géographique concernée [5].

L’ensemble des propositions d’évolution des conditions de production inscrites dans les cahiers des charges des indications géographiques est de la seule compétence de l’ODG et de ses adhérents, et donc des producteurs eux-mêmes.

Une fois le dossier transmis à l’INAO, l’examen et la validation des propositions des ODG est assurée par le comité national, structure majoritairement composée d’acteurs professionnels (notamment producteurs et négociants) de la filière viticole française concernée, AOC ou IGP.

Les décisions prises par le comité national de l’INAO sont ensuite transmises au Ministère français de l’Agriculture, pour publication du cahier des charges de l’AOC au Journal Officiel. Par la suite interviendra la procédure d’enregistrement auprès des autorités communautaires.

Le système de cogestion mis en place depuis 80 ans pour les AOC a donc associé les producteurs (via leur ODG), les Pouvoirs Publics et l’INAO, le pouvoir de proposition dans l’établissement des conditions de production de leur indication géographique étant de la seule responsabilité des ODG : qui connait le mieux les règles de production vitivinicoles permettant d’aboutir à un produit d’exception, si ce n’est les producteurs eux-mêmes ?

Ce même système a été étendu aux IGP viticoles depuis leur mise en place en 2010.

2.2. Une évolution de la réglementation des indications géographiques françaises

2.2.1. Les dispositions législatives

Outre les orientations relatives à l’agroécologie décrites ci-dessus, la Loi d’Avenir Agricole d’octobre 2014 a également acté la possibilité pour les ODG des indications géographiques d’intégrer dans les cahiers des charges des mesures visant à la préservation de leur terroir.

Cette disposition législative concrétise une demande exprimée par la filière viticole depuis plus de dix ans, et permet aux ODG des indications géographiques de pouvoir prendre des mesures de préservation de leur principal outil de travail, le terroir.

Pour mémoire l’ensemble des pays membres de l’OIV votait en 2010 la définition suivante du terroir : « Le terroir vitivinicole est un concept qui se réfère à un espace sur lequel se développe un savoir collectif des interactions entre un milieu physique et biologique identifiable et les pratiques vitivinicoles appliquées, qui confèrent des caractéristiques distinctives aux produits originaires de cet espace. Le terroir inclut des caractéristiques spécifiques du sol, de la topographie, du climat, du paysage et de la biodiversité »[6].

2.2.2. Des orientations fortes de l’INAO vers l’intégration de l’agroécologie

Début 2016, les différentes structures décisionnelles de l’INAO ont souhaité intégrer les principes de l’agroécologie dans les modes de production des Signes Officiels de la Qualité et de l’Origine (SIQO). Cette décision, prise en accord avec le Ministre de l’Agriculture, confortait ainsi les initiatives précédentes des professionnels, et été inscrite dans le contrat d’objectif de l’INAO [7].

La méthode retenue est basée sur le volontariat de chaque ODG et sur une mise en place progressive des dispositions agroécologiques dans les règles de production des indications géographiques.

Il a également été retenu d’établir une liste de mesures-type agroenvironnementales, mesures qui seraient intégrées de manière rapide et simplifiée dans les règles des IG, après demande de l’ODG.

Pour la viticulture, cinq thématiques agroécologiques ont été retenues par l’INAO :

  1. Préservation et développement de la biodiversité : par exemple l’implantation de haies et de bandes enherbées, la réduction voire interdiction de l’utilisation d’herbicides, le développement de l’agroforesterie, …

  2. Matrise et réduction de la fertilisation, et notamment la fertilisation azotée : limiter le recours aux engrais azotés de synthèse, favoriser l’introduction de légumineuses, favoriser la culture d’engrais verts, …

  3. Diminution de l’usage des produits phytopharmaceutiques et développement du biocontrôle : améliorer l’efficience des quantités de produits phytopharmaceutiques utilisées en utilisant un matériel de pulvérisation efficient limitant notamment la dérive aérienne, favoriser l’utilisation de produits de biocontrôle comme la confusion sexuelle, …

  4. Recherche d’une meilleure gestion de l’eau par les exploitations : respect de bonnes pratiques d’irrigation avec notamment un matériel et des pratiques efficientes, réflexion sur l’enherbement des parcelles, sur la présence de haies et de talus limitant la vitesse des eaux de ruissellement, …

  5. Recours à un matériel végétal plus adapté aux enjeux de l’agroécologie; réfléchir à la réintroduction de certaines variétés locales pouvant présenter une meilleure adaptation aux caractéristiques du milieu, réflexion sur la possible introduction de variétés plus résistantes à la sécheresse ou à des conditions climatiques extrêmes ou à des certaines maladies comme le mildiou ou l’odium, …

La Commission nationale environnement de l’INAO a travaillé avec l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV) – à titre d’expertise pour la filière - à l’élaboration des mesures agroenvironnementales-types illustrant les thématiques agroécologiques principales. Ces mesures-types ont été adoptées fin 2016 au sein des comités nationaux de l’INAO.

3. Le guide de l’agroécologie en viticulture de l’IFV et de l’INAO

Il a été décidé d’aller plus loin et d’accompagner la filière viticole et tout particulièrement les ODG, vers l’agroécologie au moyen – dans un premier temps – d’un guide de l’agroécologie en viticulture permettant le développement des mesures agroenvironnementales (Fig. 1).

thumbnail Figure 1.

Couverture du guide de l’agroécologie en viticulture.

Les objectifs sont d’accompagner la profession dans ses réflexions, de valoriser les démarches existantes en région, d’inventorier les documents et outils de références, et de centraliser les informations sur l’agroécologie dans un seul et unique support.

Le guide a pour objet de fournir des points de repère techniques pour tous les vignerons qui souhaitent, sur le plan individuel ou dans un cadre collectif, faire évoluer leurs pratiques, afin d’initier ou d’approfondir une démarche agroenvironnementale.

Le projet a reçu le soutien financier de l’ONEMA-Agence Française pour la Biodiversité dans le cadre de l’appel à projet national Ecophyto-2 de 2016.

Un travail associant les équipes techniques de l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV), les services de l’INAO, a abouti à la publication de ce guide début 2017. Un comité de pilotage, constitué de l’IFV, l’INAO, la Direction Générale de la Performance Economique et Environnementales des Entreprises (DGPE) du Ministère de l’Agriculture, la Confédération des vins IGP, la Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de vin à appellations d’origine contrôlées (CNAOC), l’ONEMA-Agence Française de la Biodiversité, a validé les orientations, les étapes et les résultats du projet.

Le guide de l’agroécologie en viticulture a été lancé officiellement au salon international de l’agriculture en présence du ministre de l’agriculture début mars 2017.

3.1. Principes de l’approche agroécologique

3.1.1. L’agroécologie, une approche systémique ancrée dans une dynamique de territoire

L’agroécologie implique de repenser son système d’exploitation en utilisant au maximum les fonctionnalités offertes par la nature [8].

L’objectif est double : amplifier les écosystèmes tout en visant à diminuer les pressions sur l’environnement en réduisant, par exemple, les émissions de gaz à effet de serre ou en limitant au maximum le recours aux produits phytosanitaires.

Il s’agit aussi de préserver les ressources naturelles telles que l’eau, l’énergie ou les éléments minéraux. La nature est utilisée comme facteur de production en réintroduisant de la biodiversité dans une dynamique de paysage.

3.1.2. L’agroécologie, une approche systémique de l’exploitation agricole

L’agroécologie implique le recours à un ensemble de techniques en synergie et ne peut pas être assimilée à une seule technique particulière. Elle considère l’exploitation dans son ensemble. C’est grâce à cette approche systémique que les résultats techniques et économiques peuvent être maintenus ou améliorés tout en améliorant les performances environnementales

L’agronomie est au centre des systèmes de production agroécologiques.

De solides connaissances dans ce domaine sont indispensables, tant pour les agriculteurs que pour leurs conseillers. Par conséquent, les références technicoéconomiques pour la conduite des cultures doivent être adaptées aux parcelles, en particulier à travers une série d’expérimentations dans ses propres champs.

Ces démarches d’expérimentations peuvent être conduites collectivement, avec d’autres agriculteurs-viticulteurs et/ou conseillers, en s’appuyant notamment sur l’expertise des acteurs en fonction de leur milieu.

3.1.3. L’agroécologie, une évolution raisonnée en fonction du territoire

Chaque évolution vers un système de production agroécologique doit être raisonnée au cas par cas, en fonction du territoire : conditions pédoclimatiques, tissu socio-économique et possibilités de débouchés mais aussi en fonction des objectifs de l’exploitant quant à la qualité de vie.

Le passage à l’agroécologie doit aussi être pensé à l’échelle des territoires. En effet, les dynamiques des eaux, les cycles bio-géochimiques, les épidémies ou les attaques de ravageurs sont liés à des échelles plus vastes que celles des parcelles cultivées.

La bonne gestion des fonctionnalités écologiques nécessite l’existence d’infrastructures agroécologiques. Si ces infrastructures n’existent plus, suite par exemple au remembrement, il s’agira de réfléchir à leur réaménagement.

Ces deux niveaux d’organisation, la parcelle et celui des territoires, sont à intégrer de façon cohérente.

3.2. Organisation des leviers d’action agroécologiques sur le système viticole

Sur un paysage viticole-type (Fig. 2), le « système » viticole est un ensemble de motifs (éléments), de structures, d’actions, de productions et d’effets, interagissant plus ou moins et de façon plus ou moins contrôlée, dans le temps, aux échelles imbriquées de l’exploitation, du territoire et du paysage.

thumbnail Figure 2.

Paysage viticole-type.

Les leviers d’action agroécologiques s’organisent selon les 5 thématiques arrêtées pour la viticulture :

  • Préservation et développement de la biodiversité,

  • Matrise/réduction de la fertilisation,

  • Diminution de l’usage de produits phytosanitaires & développement du biocontrôle,

  • Recherche d’une meilleure gestion de l’eau,

  • Recours à un matériel végétal plus adapté.

Les 5 thématiques sont déclinées en orientations principales, lesquelles sont traduites en mesures agroenvironnementales règlementaires, envisageables - dont les mesures-types INAO -; les mesures agissant entre elles et sur une combinaison d’enjeux.

3.3. Construction des mesures agroenvironnementales

Ce guide décline des mesures agroenvironnementales pouvant être mises en œ uvre dans la production viticole, classées selon les cinq thématiques retenues initialement par l’INAO citées ci-dessus, et qui sont la traduction d’orientations stratégiques, elles-mêmes décrites dans le sommaire du guide.

Chaque mesure est construite sur la base des acquis de la viticulture durable, de l’évolution des pratiques, des exemples déjà existants en région – notamment les cahiers des charges des indications géographiques et les Groupements d’intérêts économiques et environnementaux –, des connaissances techniques et des règlementations, actualisées par les groupes d’experts de l’IFV.

Ce guide comprend également de nombreux exemples d’applications simples relevés dans les différentes régions viticoles françaises par le réseau des ingénieurs de l’IFV implantés dans les différentes zones de production. Même si la liste des exemples n’est bien évidemment pas exhaustive, ces exemples soulignent la volonté de pouvoir indiquer au lecteur que les différentes propositions ont déjà été mises en œ uvre avec des exemples concrets et accessibles.

Les mesures proposées dans le guide comprennent en particulier une première série de huit mesures-type agroenvironnementales jugées prioritaires par les instances professionnelles viticoles de l’INAO, et qui pourront faire l’objet d’une intégration rapide et simplifiée dans les règles de production des indications géographiques françaises :

  1. Mesures concernant l’enherbement des contours des parcelles

  2. Mesures interdisant le désherbage chimique en plein des parcelles de vigne

  3. Mesures relatives à l’enherbement des vignes

  4. Mesures visant à l’amélioration de l’efficience du matériel de pulvérisation : différentes mesures progressives sont décrites, allant de l’interdiction de l’utilisation de certains matériels ne maitrisant pas la dérive aérienne, au recours obligatoire à certains types de matériels, (jet porté, buses à jet projeté, panneaux récupérateurs)

  5. Mesures de réduction des quantités de produits phytosanitaires

  6. Mesures de limitation des apports d’azote minéral de synthèse

  7. Mesures de préservation des murets, bosquets, terrasses, …

  8. Mesures visant au respect de la séquence morphologique originelle des sols.

Le guide de 52 pages, téléchargeable sur les sites de l’IFV (www.vignevin.com), de l’INAO (www.inao.gouv.fr) et du Ministère de l’Agriculture français (www.agriculture.gouv.fr), constitue un document de référence accessible à tous et qui sera mis à jour régulièrement en fonction des évolutions techniques et réglementaires.

En accompagnement du guide, il est également prévu dans un terme proche un outil en ligne comprenant un volet pédagogique et un volet d’orientation agroécologique. Celui-ci permettra d’affiner sa stratégie environnementale sur l’exploitation dans un contexte local et une dynamique de territoire, et de choisir son orientation agroécologique et les mesures agroenvironnementales à développer et/ou à introduire dans les cahiers des charges de production.

4. Conclusion

Afin d’accompagner la filière viticole française dans sa volonté d’évolution avec l’intégration de mesures environnementales dans ses règles de production, le guide de l’agroécologie en viticulture de l’IFV et de l’INAO apporte un certain nombre d’informations, portant notamment sur la réglementation existante, des propositions de mesures à mettre en œ uvre avec le descriptif de leur intérêt et les modalités de leur réalisation, des exemples déjà appliqués dans différentes régions, …

Ce guide doit aider la filière à concrétiser ses ambitions en matière de stratégie environnementale, tout en apportant une réponse aux attentes sociétales en matière de protection de l’environnement, notamment en décrivant des mesures de limitation des consommations d’intrants (fertilisants, produits phytosanitaires, eau notamment).

References

Liste des figures

thumbnail Figure 1.

Couverture du guide de l’agroécologie en viticulture.

Dans le texte
thumbnail Figure 2.

Paysage viticole-type.

Dans le texte

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