Open Access
Issue
BIO Web Conf.
Volume 9, 2017
40th World Congress of Vine and Wine
Article Number 03013
Number of page(s) 3
Section Economy and Law
DOI https://doi.org/10.1051/bioconf/20170903013
Published online 04 July 2017

© The Authors, published by EDP Sciences 2017

Licence Creative CommonsThis is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License 4.0 (http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/).

1. Une filière viticole biologique qui s’interroge

La viticulture biologique française est une filière dynamique: entre 2007 et 2015, les surfaces certifiées Bio1 ont augmenté de 14 600 à 57 600 hectares auxquels s’ajoutent près de 11 000 ha en conversion, soit, au total 8,7% du vignoble national. Les objectifs du Grenelle de l’environnement, qui visait 6% de la surface agricole utile, ou S.A.U., en bio en 2012, ont été atteints et dépassés dès 2010 pour la viticulture.

1,5 million d’hl de vins bio français ont été mis en marché en 2015 dont 54% sur le marché intérieur. (estimation AgenceBio).

Sur la même période 2007–2015, les sommes dépensées par les ménages pour leurs achats de vins bio sont passées de 249 à 670 millions d’euros2 dont 41% en achat directement au producteur. En France, de tous les produits agricoles Bio, le vin est celui qui est le plus commercialisé en circuit court.

Interpellée par cette forte dynamique de développement, elle-même soutenue par une demande qui contourne partiellement les circuits classiques de distribution, la filière française des vins biologiques à travers France Vin Bio (association interprofessionnelle des vins biologiques, qui fédère les associations interprofessionnelles des régions Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Centre-Val-de-Loire, Grand-Est, et Bourgogne-Franche-Comté), a souhaité mener un exercice de prospective.

2. Méthode de prospective utilisée

L’objet de cet exercice conduit par FranceAgriMer et Montpellier SupAgro, est d’élaborer des scénarios pour l’avenir de la filière française des vins biologiques qui puissent servir aux décideurs de la filière, en vue de l’élaboration de stratégies gagnantes.

La méthodologie spécifique à la prospective n’a pas pour objet de prédire l’avenir mais de permettre d’anticiper différentes situations que l’on pourrait rencontrer, sans préjuger de leur caractère probable, souhaitable ou au contraire redoutable. Ces situations et les chemins qui y conduisent sont inscrits dans des scénarios qu’il s’agit de présenter aux commanditaires et décideurs. L’élaboration de ces scénarios incombe à des experts qui sont identifiés et réunis, et dont les compétences diversifiées sont croisées dans un contexte de liberté de parole et d’efforts constants de compréhension mutuelle.

Le travail a pour base la méthode SYSPAHMM (Système, Processus, Agrégat d’Hypothèses, Micro et Macroscénarios) formalisée par Michel et Clementina Sebillotte à l’INRA. Il s’appuie ensuite sur un ajout méthodologique (dit « bouturage-greffage ») permettant de valoriser le travail mené à l’échelle de l’ensemble de la viti-viniculture française par l’INRA pour s’adapter à l’échelle inférieure de la filière vins bio.

Cette méthode repose sur la représentation commune du système étudié et des problématiques porteuses d’enjeux pour l’avenir; celles-ci sont l’objet d’exposés d’experts puis le support de la rédaction d’hypothèses dont l’expression en recto et en verso permet d’envisager différents futurs possibles. 476 hypothèses ont ainsi été rédigées par la cellule d’animation de la prospective. Un travail de regroupement d’hypothèses proches, voire similaires (type doublon), a été poursuivi jusqu’à la réduction de la liste à 210 hypothèses, puis une sélection des hypothèses les plus importantes a été opérée (par un vote). Le réservoir d’hypothèses constitué par les 104 hypothèses de la prospective ‘023 Vignes et vins de France ‘024 publiée par l’INRA en 20033 a également été mobilisé. Ainsi, 46 hypothèses, jugées les plus déterminantes pour l’avenir de la filière, ont, in fine, été sélectionnées. Ces hypothèses ne sont pas uniquement tendancielles, elles incluent également des signaux faibles actuellement d’ampleur limitée mais jugés potentiellement porteurs de modifications sensibles de la trajectoire de la filière française des vins biologiques à l’avenir. Les relations d’influences / dépendances entre ces hypothèses considérées deux à deux ont été établies et utilisées pour regrouper les hypothèses les plus liées entre elles en agrégats; ceux-ci constituent la trame des scénarios interdisciplinaires qui tiennent ainsi compte des liens entre les hypothèses et en valorisent les libellés recto et verso. A l’issue de plusieurs étapes de réduction de la complexité, 5 scénarios contrastés d’évolution de la filière française des vins biologiques à l’horizon 2035 ont été écrits.

3. Contenu des scénarios

Les cinq scénarios pour la filière, présentés ci-après dans leur format résumé, ont en commun d’aborder des familles de questions. Ces questions peuvent être structurées en quatre catégories de thématiques :

  • Celles relatives au contexte général global dans lesquels évolue la filière des vins biologiques, en abordant notamment les questions de l’intensité du changement climatique et de ses conséquences, de l’évolution de la situation économique et financière mondiale (contexte macroéconomique global), et des politiques publiques en matière de santé et de prévention de la consommation excessive d’alcool.

  • Celles relatives au contexte de la filière vins : transgénèse, nouveaux cépages, IGP/AOP/terroir, définition internationale du vin, contexte culturel d’usage, marchés export, étiquetage/normes internationales,…

  • Celles relatives au contexte spécifique à la filière de la viticulture et des vins biologiques : recherche & impasses techniques, formation & enseignement, ‘023 chapelles ‘024, vins natures, organisation de la filière, distribution, promotion, communication, image, consommation, segmentation, coopératives, conversion & déconversion, installation & transmission d’exploitations.

  • Enfin celles relatives à l’agriculture et aux produits biologiques : politiques publiques bio (conversions, aménités, eau,…), bio & normes environnementales, réglementation bio,…

In fine, chacune de ces cinq histoires correspond à une combinatoire unique de réponses apportées à ces familles communes de questions.

4. Les cinq scénarios

Scénario 1 - La filière vin bio essaye de survivre

Synthèse : Confrontée à une situation macro-économique très difficile et au renforcement de la lutte anti-alcool, bloquée par les impasses techniques et victime des effets du changement climatique, mais jugeant les rares innovations techniques transférables contraires à ses principes philosophiques, qui l’empêchent de plus de profiter de la flexibilité réglementaire offerte pour faciliter l’adaptation de ses acteurs économiques, supplantée par d’autres labels, la filière vin bio voit son marché s’effondrer. Sa survie dépend de l’installation de néo-ruraux et de la conversion d’exploitants conventionnels.

Scénario 2 - La filière réduite au segment premium ‘023 vin bio & santé ‘024

Synthèse : Dans un contexte macro-économique très difficile, avec une réglementation bio de plus en plus contraignante, bloquée par les impasses techniques mais jugeant les rares innovations techniques transférables contraires à ses principes philosophiques, la filière vin bio profite des conséquences du changement climatique qui jouent en sa faveur pour rééquilibrer son différentiel de productivité avec le conventionnel. Supplanté par d’autres labels, le vin bio tire parti de son élément de différenciation en matière de problématiques de santé humaine pour occuper et travailler ce seul segment du marché.

Scénario 3 – Le phénix bio

Synthèse : Dans un contexte particulièrement hostile, combinant une crise économique généralisée, une forte pression anti-alcool des autorités de santé, un impact sévère du changement climatique et une restriction continue du nombre de molécules utilisables, la plupart des producteurs d’IG et de vins bio font converger leurs pratiques et leurs cahiers des charges ouvrant la voie à la création d’une catégorie IGB (Indications géographiques bio). Quelques-uns refusent l’assimilation bio-IG, tentent de jouer la carte de la surenchère en s’interdisant toutes les innovations techniques et se marginalisent. Ce mouvement exigeant pourra sortir de sa marginalité par l’émergence de refondateurs qui mettent en avant un contre modèle politique.

Scénario 4 - La filière vin bio gère sa rente de situation

Synthèse : Devenue référente environnementale, identifiée comme voie de résistance aux chocs climatiques, reconnue dans les instances du vin, soutenue par les Pouvoirs Publics, la filière ‘023 vin bio ‘024 contrôle son développement de manière restrictive pour protéger sa rente de situation en intégrant avec parcimonie les avancées de la recherche et en restreignant la surface de son vignoble…

Scénario 5 – Croissance quantitative assumée

Synthèse : La vitiviniculture bio sort de sa niche pour s’imposer comme le contre modèle agricole en lieu et place de l’IG dans un contexte où le vin est dorénavant majoritairement produit agroindustriel comme les autres. Respectueux de l’environnement et de la santé des consommateurs, apte à atténuer les effets du changement climatique, et pour cela soutenue par les pouvoir publics, la filière vin bio accepte les pratiques physiques et l’intégration de l’innovation technique sans nier ses principes philosophiques essentiels, et relève le défi d’une croissance quantitative conséquente.

Enjeux, conséquences, attitudes stratégiques

Pour chaque scénario, il est possible de dégager les enjeux et conséquences pour la filière française des vins biologiques, l’interprofession, telle ou telle famille professionnelle :

si le scénario se produit, alors,

  • qu’est-ce qu’on gagne (en quoi est-ce une opportunité) ?

  • qu’est-ce qu’on perd (en quoi est-ce un risque ou une menace) ?

et quelles sont les conséquences ?

Ces 5 visions scénarisées du futur de la filière française des vins biologiques, ne s’apparentent en rien à de la prévision. Elles proposent simplement des futurs possibles et crédibles sans considération de probabilité pour leur occurrence. Il appartiendra au Conseil d’Administration de France Vin Bio de se prononcer sur les attitudes à adopter vis-à-vis des scénarios en choisissant parmi cinq attitudes possibles :

  • Proactivité positive : agir dès aujourd’hui pour favoriser l’advenue du scénario.

  • Proactivité négative : agir dès aujourd’hui pour défavoriser l’advenue du scénario.

  • Réactivité anticipée : se préparer dès aujourd’hui à l’advenue du scénario.

  • Veille : ce scénario doit être placé sous surveillance, pour savoir si son advenue se dessine au fur et à mesure du temps.

  • Aucune attitude : ce scénario ne présente pas d’intérêt particulier.

C’est à partir de ce positionnement que pourra s’engager une démarche stratégique.

5. Déclinaison régionale de la réflexion prospective

A la demande de la Direction régionale de l’agriculture, un exercice de prospective avait été réalisé en 2011 pour le bassin viticole Languedoc-Roussillon et avait abouti à la description de quatre futurs possible pour la viticulture régionale.

Une nouvelle démarche est actuellement entreprise pour tenter de construire des scénarios pour la viticulture bio du Languedoc-Roussillon en utilisant ces deux prospectives «Filière française des vins biologiques» d’une part et » Vignes et vins du Languedoc Roussillon ».


1

Source Agence Bio.

2

Source AgenceBio AND I.

3

SEBILLOTTE M. et all. Prospective Vignes et Vins – Scénarios et défis pour la recherche et les acteurs – INRA 2003.

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