Open Access
Issue
BIO Web Conf.
Volume 68, 2023
44th World Congress of Vine and Wine
Article Number 02022
Number of page(s) 6
Section Oenology
DOI https://doi.org/10.1051/bioconf/20236802022
Published online 06 December 2023

© The Authors, published by EDP Sciences, 2023

Licence Creative CommonsThis is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License 4.0, which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.

1 Introduction

Les changements climatiques en cours entraînent des modifications des caractéristiques des vendanges dans de nombreuses régions viticoles.

Dans les zones méridionales notamment, les changements climatiques s’accompagnent généralement d’un excès de maturité qui conduit à l’élaboration de vins trop alcoolisés et peu acides. A maturité, les concentrations en acide malique sont très faibles. Les vignerons ont la possibilité d’acidifier dans la limite de 53 meq/L soit 4g/L exprimé en acide tartrique, avec essentiellement trois acides, l’acide tartrique, l’acide lactique et l’acide malique. L’acide fumarique pourrait apporter une diversification en termes d’acidification. Cet acide a été admis par l’OIV sur vin afin d’inhiber la fermentation malolactique, en maîtrisant la croissance et l’activité des bactéries lactiques avec des doses recommandées entre 300 et 600 mg/L.

L’acide fumarique est naturellement produit dans les plantes. Il est un intermédiaire clé de cycle de Krebs. Seules des traces de cet acide sont retrouvées dans les moûts et les vins [1].

Utilisé sur moût ou en cours de fermentation, l’acide fumarique est métabolisé par les levures en acide malique. Son utilisation pourrait donc permettre deux activités, acidification du vin par un enrichissement en acide malique et effet antibactérien permettant de maitriser le développement des bactéries lactiques, diminuant ainsi les besoins en sulfites.

Sa solubilité est très base entre 6,6 et 8,1 g/L dans l’eau à environ 25°C [2], 5,8 g/L dans une solution éthanol à 12,6 % vol [3] soit plus de 210 fois plus faible que les autres acides.

Au cours des vendanges 2022, l’IFV a testé en condition pilote l’utilisation de l’acide fumarique en cours de fermentation et le laboratoire Dubernet sur moût dans le cadre d’une expérimentation en cave.

2 Matériels et méthodes

2.1 Protocoles

2.1.1 Essais minicuverie

Les essais ont été réalisés sur le réseau de chais expérimentaux de l’IFV (Institut Français de la Vigne et du Vin) présent sur la quasi-totalité des régions viticoles françaises (complétés par l’équipe de l’Institut Rhodanien pour le secteur des Côtes du Rhône). L’objectif des essais réalisés en minicuverie était de comparer l’utilisation de différents acides organiques en cours de fermentation alcoolique, à des fins d’acidification en priorité. Les essais ont été réalisés en vins blancs, rosés et rouges. Pour les vins blancs et rosés, la fermentation malolactique n’était pas souhaitée. Pour les vins rouges, les fermentations malolactiques ont été réalisées.

Les différentes modalités sont vinifiées en lot de 50 à 100 kg de vendange. Les acidifications sont toutes réalisée en cours de la fermentation alcoolique pendant le remontage d’aération. Le choix de la levure a été réalisé en fonction des usages de chaque région.

Les différents acides sont comparés mole/mole soit une concentration en acide fumarique 1,2 g/L (PM 116 g/mole), en acide malique 1,3 g/L (PM 134 g/mole), tartrique 1,5 g/L (PM 150 g/mole). Cette acidification correspond à une acidification de 20 meq/L. Les sulfitages sur moût ont été volontairement faibles, afin de favoriser un risque de fermentation malolactique précoce. Les conditions de fermentation ont été optimisée avec notamment une correction suffisante en azote assimilable. Pour les vins rouges, la fermentation malolactique a été réalisée par ensemencement en bactéries, tout en gardant un aliquote de vin en fin de fermentation alcoolique pour noter d’éventuelles différences en fermentation malolactique indigène.

Tableau 1

Liste des essais réalisés en minicuverie.

2.1.2 Essai grand volume

Des essais en grand volume ont été réalisés pendant la campagne de vinification 2022, dans les chais de la cave coopérative de Gruissan.

Un premier lot de vendange de 20 tonnes de Syrah vendangées manuellement et vinifié en macération carbonique est traité par ajout de 80 g/hl d’acide fumarique déposé au fond de la cuve avant remplissage par la vendange.

Un lot témoin non traité de vendange équivalente est constitué.

Un second essai dans les mêmes conditions est réalisé avec de la vendange de Carignan.

2.2 Paramètres suivis

Les analyses classiques sont effectuées pour le suivi et l’élaboration des vins.

Toutes les analyses des essais, post fermentation alcoolique, ont été réalisées par le laboratoire Dubernet.

Les analyses courantes de suivi œnologiques (TAV, AT, pH, AV, …) ont été réalisées par IRTF, méthodes enzymatiques et spectrophotométriques automatisées.

Les analyses d’acides organiques (tartrique, malique, citrique, succinique, lactique, gluconique) ont été réalisées par électrophorèse capillaire et détection UV selon la méthode OIV-MA-AS313-19.

L’acide fumarique a quand-à lui été analysé par UPLC-MSMS selon une méthode interne afin d’atteindre une limite de quantification suffisamment basse (10mg/L).

Les marqueurs de composés volatils dont les alcools supérieurs, l’acétate d’éthyle et le lactate d’éthyle ont été analysés par GC-FID selon la méthode OIV-MA-AS315-27.

Les analyses de potassium ont été réalisées par MP-AES selon la méthode OIV-MA-AS323-12.

Les analyses microbiologiques ont été réalisées par cytométrie en flux après marquage FACS selon la méthode Cyto 3D. Elles portaient sur la mesure des saccharomyces sp, des brettanomyces sp et des bactéries avec pour chacun d’entre eux la différentiation des formes vivantes vitales, vivantes métaboliquement inactives et mortes.

Les profils sensoriels des vins sont effectués dans chaque région par un jury de professionnels.

3 Résultats

Les ajouts d’acides étant tous identiques, soit 20 meq/L, les résultats seront présentés en variation de meq/L par rapport au vin témoin sans ajout. Seules les analyses sur les vins stabilisés en bouteille seront discutées, d’une manière globale sous forme de graphique « boite à moustache ».

3.1 Essais minicuverie

3.1.1 Acidité totale et pH

En moyenne les variations d’acidité totale sont proches de l’ajout en meq pour l’acide tartrique et malique (augmentation autour de 15 meq/L). La variation est beaucoup plus faible pour l’acide fumarique (5 meq/L).

En examinant les essais rouges par rapport aux blancs, l’augmentation en acidité est plus forte en blanc qu’en rouge, pour acides tartrique et malique, en moyenne proche ou supérieur à 15 meq/L pour les blancs et proche de 10 meq/L pour les vins rouges. Dans les deux cas la variation par ajout d’acide fumarique reste proche en moyenne des 5 meq/L.

Les trois acides permettent de diminuer le pH, mais l’impact de l’acide tartrique est très significativement plus important.

L’effet de l’acide tartrique est expliqué par sa précipitation au cours de l’élaboration du vin et de la concentration résultante en potassium. Les valeurs pour les ajouts des acides fumarique et malique sont proches des valeurs du témoin.

thumbnail Figure 1

Variation des acidités totales - essais minicuverie – tous les vins.

thumbnail Figure 2

pH - essais minicuverie – tous les vins.

thumbnail Figure 3

Variation de K+ - essais minicuverie – tous les vins.

3.1.2 Acides organiques

- Acide tartrique :

Des 20 meq/l ajoutés, on mesure en moyenne, sur vin fini, une augmentation de l’acidité de 10 meq/l par rapport au témoin et ce uniquement pour l’ajout d’acide tartrique. Pour les blancs, l’augmentation est plutôt de 12-13 meq/l et de 6-7 meq/l pour les rouges. Les autres ajouts d’acide ne modifient pas significativement la concentration finale en acide tartrique des vins.

- Acide malique :

Il existe une très grande différence entre les blancs et les rouges (réalisation de fermentation malolactique en vin rouge).

Pour les blancs, en moyenne le gain en concentration est proche des 18 meq/L pour la modalité « malique », identique au témoin pour les modalités « tartrique » et en moyenne 5 meq/L pour les modalités « Fumarique ».

Pour les rouges, l’ajout d’acide tartrique ne modifie pas la concentration finale en acide malique. Pour les modalités « fumarique », il n’y a pas d’augmentation de l’acide malique (réalisation de la fermentation malolactique). Pour les modalités « malique », la concentration en acide malique correspond à la présence du D malique non transformé par les bactéries au cours de la fermentation malolactique (ajout de l’acide racémique).

- Acide lactique :

En vins blanc et rosés (sans fermentation malolactique), le niveau d’acide lactique est identique pour toutes les modalités. En rouge logiquement, la concentration en acide lactique est supérieur à celle du témoin pour le lot avec ajout de d’acide malique, + environ 4 meq/L en moyenne et aussi pour le lot ajout d’acide fumarique variation légèrement plus faible, + 2 meq/L en moyenne.

- Acides succinique :

Pour les vins blancs, il n’existe pas de variations significatives en fonction des différents ajouts d’acides.

Cependant pour les vins rouges, en moyenne, il existe une présence accrue d’acide succinique par rapport au témoin avec l’ajout d’acide fumarique, en moyenne proche de 2 meq/L (environ 110 mg/L), avec une variabilité importante entre les 4 essais en rouge.

- Acide fumarique :

L’ajout de fumarique conduit à la présence de petite quantité d’acide fumarique sur vin fini. L’analyse par HPLC est très précise avec une limite de quantification à 10 mg/L. Il existe une différence importante entre les vins blancs et rouges. La présence dans les vins rouge est très faible <0,5 meq/L(<30mg/L). Pour les vins blancs la concentration retrouvée en moyenne est plus élevée, environ 1,7 meq/L (environ 100 mg/L).

- Les acides citrique et gluconique ont aussi été dosés mais ils ne montrent pas de différences par rapport au témoin non acidifié.

thumbnail Figure 4

Variation de la concentration en acide tartrique - essais minicuverie – tous les vins.

thumbnail Figure 5

Variation de la concentration en acide malique – essais minicuverie – vins blancs.

thumbnail Figure 5’

Variation de la concentration en acide malique – essais minicuverie – vins rouges.

thumbnail Figure 6

Variation de la concentration en acide lactique – essais minicuverie – vins rouges.

thumbnail Figure 7

Variation de la concentration en acide succinique – essais minicuverie – vins rouges.

thumbnail Figure 8

Variation de la concentration en acide fumarique – essais minicuverie – vins blancs.

thumbnail Figure 8’

Variation de la concentration en acide fumarique – essais minicuverie – vins rouges.

3.1.3 Composés polyphénoliques et couleurs

Il n’a pas été noté de différence très significative entre les modalités avec ce niveau d’acidification. En Rouge et rosés, l’intensité colorante des modalités « tartrique » est très légèrement supérieure avec une teinte plus faible. Cette différence est à rapprocher de la différence de pH pour cet ajout d’acide. L’indice des polyphénols totaux n’est pas modifié pour les vins rouges.

3.1.4 Composés aromatiques

Quelques alcools supérieurs ont été analysés. Pour les vins blancs, les écarts sont très faibles entre les modalités quelque soit le composé. En rouge les concentrations sont plus élevées. Les modalités « malique » et « fumarique » ont en moyenne des concentrations légèrement plus élevées que les modalités « témoin » et « tartrique » pour les 5 composés dosés.

Le lactate d’ethyle (valeur inférieure ou proche de la limite de quantification pour les vins blancs) et l’acétate d’éthyle ont aussi été dosés. Les écarts entre les modalités ne sont pas significatifs.

thumbnail Figure 9

Concentration en alcool supérieurs – essai minicuverie – vins blancs.

thumbnail Figure 9’

Concentration en alcool supérieurs – essai minicuverie – vins rouges.

thumbnail Figure 10

Concentration en acétate d’éthyle – essai minicuverie – tous les vins.

3.1.5 Microbiologie

Des suivis en cytométrie 3D ont été réalisées sur tous les lots, au stade Fin FA et après la mise en bouteille. Il n’existe pas d’écart significatif entre les différentes modalités acidifiées ou non.

Pour les essais en rouge, les fermentations malolactiques n’ont pas été significativement différentes. Pour les blancs et rosés, il y a eu un seul essai (Négrette rosé) avec un développement de la fermentation malolactique non désirée, sauf pour la modalité « Tartrique ».

3.1.6 Analyses sensorielles

Dans l’ensemble des dégustations, il n’a pas été mis en évidence de différences significatives au niveau olfactif entre les différentes modalités. En bouche, le caractère plus acide des lots acidifiés ressort par rapport à la modalité témoin. Les effets semblent plus marqués pour l’acidification avec l’acide tartrique. Il n’existe pas de préférence qualitative pour un type d’acidification.

3.2 Essai en cave

3.2.1 Suivi analytique

Sur les analyses, nous observons principalement pour les deux cépages syrah et carignan, un effet d’acidification net, avec une augmentation de l’acidité totale de l’ordre de 0,3 g/L (eq H2SO4), et une baisse du pH de l’ordre de 0,1 point.

3.2.2 Effet sur la fermentation malolactique

Les modalités traitées comme les modalités témoin ont réalisé leur fermentation malolactique. Les teneurs appliquées en acide fumarique ne compromettent donc pas la possibilité de faire la fermentation malolactique.

Dans les conditions des essais, nous avons observé un retard du déclenchement de la fermentation malolactique de la cuve traitée par rapport au lot témoin, et plus particulièrement sur le Carignan. Dans les conditions de la vinification par macération carbonique, dans laquelle les départs trop précoces de fermentation malolactique constituent un des problèmes importants à gérer, il est certain que l’emploi de l’acide fumarique sur la vendange constitue un atout technologique évident.

3.2.3 Effet sur la dégustation

Dans les deux cas, la dégustation a été préférée sur le lot de vin traité, en raison notamment de la réhausse de la sensation d’acidité. Il convient de noter que nous sommes dans le cas de vins présentant naturellement des pH très élevés, et que toute amélioration d’acidité est perçue positivement.

4 Conclusions

L’acidification par l’acide fumarique en concentration molaire identique à l’ajout d’acide tartrique ou malique, et réalisée en cours de fermentation se traduit par une faible variation de l’acidité totale et du pH. Il a été noté que la concentration en acide succinique pouvait un peu augmenter sur les vins blancs mais dans des gammes de concentrations très faibles (< 200 mg/L).

Sur vin fini, il ne reste que des traces d’acide fumarique, celles-ci étant très légèrement supérieures pour les vins blancs, mais toujours inférieures à 250mg/L.

L’acide fumarique disparait presque totalement et seule une partie est retrouvée sous forme d’acide malique ou lactique (selon la fermentation malolactique). On ne retrouve pas une même variation de l’acidité totale que pour l’ajout iso-molaire d’acide malique. Il est envisageable que le métabolisme de la dégradation de l’acide malique par les levures soit modifié par cet ajout. En raison de la faible solubilité de l’acide, on ne peut pas exclure qu’une part de l’acide ne soit pas dissous. Des investigations supplémentaires seront nécessaires pour expliquer cet écart.

Les différences analytique et organoleptiques entre les lots restent très faibles. Seul l’effet sur le pH est plus important pour l’acidification tartrique en raison de la précipitation tartrique et la chute de potassium qui en résulte.

Avec une utilisation en cours de FA et dans nos conditions d’essai, il n’a pas été mis en évidence d’effet sur les bactéries lactiques au niveau des analyses microbiologiques ou par rapport aux déclenchements des fermentation malolactique.

En utilisant, l’acide fumarique sur moût comme dans le cas des essais en grande masse, avant fermentation, l’effet sur les bactéries est plus marqué en permettant un décalage de celle-ci dans le temps.

References

All Tables

Tableau 1

Liste des essais réalisés en minicuverie.

All Figures

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Variation des acidités totales - essais minicuverie – tous les vins.

In the text
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pH - essais minicuverie – tous les vins.

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Variation de K+ - essais minicuverie – tous les vins.

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Variation de la concentration en acide tartrique - essais minicuverie – tous les vins.

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Variation de la concentration en acide malique – essais minicuverie – vins blancs.

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Variation de la concentration en acide malique – essais minicuverie – vins rouges.

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Variation de la concentration en acide lactique – essais minicuverie – vins rouges.

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Variation de la concentration en acide succinique – essais minicuverie – vins rouges.

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Variation de la concentration en acide fumarique – essais minicuverie – vins blancs.

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Variation de la concentration en acide fumarique – essais minicuverie – vins rouges.

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Concentration en alcool supérieurs – essai minicuverie – vins blancs.

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Concentration en alcool supérieurs – essai minicuverie – vins rouges.

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Concentration en acétate d’éthyle – essai minicuverie – tous les vins.

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