Open Access
Issue
BIO Web Conf.
Volume 68, 2023
44th World Congress of Vine and Wine
Article Number 04022
Number of page(s) 3
Section Health
DOI https://doi.org/10.1051/bioconf/20236804022
Published online 23 November 2023

© The Authors, published by EDP Sciences, 2023

Licence Creative CommonsThis is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License 4.0, which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.

La consommation d’alcool, comme d’autres substances psychoactives légales ou illégales, commence souvent à l’adolescence. Les pratiques de consommation à l’âge adulte, consommation modérée, abstinence ou consommation excessive, sont pour partie déterminées pendant cette période. Aussi, l’observation et l’analyse des pratiques de consommation des adolescents est un point de vigilance particulièrement critique qui fait l’objet de nombreuses études à travers le monde et de comparaisons internationales grâce à des enquêtes menées dans de nombreux pays à l’aide du questionnaire Health Behavior of School–Aged Children (HBSC).

1 La consommation d’alcool des adolescents : un sujet abordé par différentes disciplines scientifiques

En termes médico-psychologiques, de nombreuses études1 se concentrent sur les effets spécifiques de la consommation d’alcool sur la santé des adolescents : comportement à risque (combinaison de consommation d’alcool et d’autres drogues psychotropes, conduite en état d’ivresse, violence2, rapports sexuels non protégés ou non consensuels3, etc.) et impact sur la capacité d’apprentissage. Des recherches supplémentaires sur l’efficacité des actions visant à éviter la consommation nocive ont également été menées. Toutefois, si les politiques en faveur des adolescents doivent avoir pour objet d'éviter que ces conduites ne deviennent dangereuses pour la société ou pour le jeune lui-même, une certaine marge de liberté, un « espace de transgression raisonnable » selon M. Jean-Pierre Chartier, psychologue4 , est indispensable pour que l'adolescent réussisse cette période de transition. Tout l'enjeu est de maîtriser ces risques.5

2 De nombreuses analyses quantitatives…

Considérant que le danger vient de la molécule d’éthanol la grande majorité des études ne font pas de distinctions entre les différentes boissons alcoolisées. La comparaison, pour 39 pays ou régions d’Europe et d’Amérique du Nord, des variables descriptives de la relation des adolescents de 15 ans à l’alcool a été menée par Eva Leal-Lopez6 sur les 4 critères suivant:

  • avoir consommé au cours de la semaine,

  • avoir déjà été ivre,

  • l’âge de la 1ere expérimentation

  • et l’âge de la première ivresse.

L’étude démontre que la situation s’améliore dans la plupart des pays entre 2002 et 2014. L’auteure préconise qu’une attention particulière soit accordée « aux pays où les baisses ne sont pas présentes ou, ceux où les taux restent élevés en dépit d’une baisse ». D’autres recherches sont nécessaires pour clarifier les facteurs associés à la consommation d’alcool chez les adolescents, mieux comprendre les spécificités des pays et mettre en œuvre des politiques efficaces.

Deux grandes enquêtes internationales sur la jeunesse, l’enquête Health Behavior of School–Aged Children (HBSC) et le European School Survey Project on Alcohol and Drugs (ESPAD), permettent de collecter un grand nombre d’informations internationalement homogènes et d’analyser davantage les habitudes de consommation chez les adolescents. L’enquête HBSC a été menée auprès d’enfants de 11, 13 et 15 ans provenant de 26 pays européens, du Canada et des États-Unis. L’ESPAD a interrogé des sujets de 15 ans de 30 pays européens. À l’échelle mondiale, plus du quart (26,5 %) des jeunes de 15 à 19 ans sont des buveurs au moment de l’enquête, soit 155 millions d’adolescents. Les taux de prévalence de la consommation d’alcool sont les plus élevés chez les 15-19 ans dans la Région européenne de l’OMS (43,8 %), suivie par la Région des Amériques (38,2 %) et la Région du Pacifique occidental (37,9 %) (OMS, 2018).

La part des adolescents déclarant avoir consommé de l’alcool le mois précédent l’enquête diminue depuis une 20aine d’années dans la plupart des pays développés. Des différences dans le rythme et l’amplitude de cette baisse7 sont observées en comparant les données disponibles pour 39 pays pour lesquels il existe au moins 5 enquêtes exploitables entre 1995 et 2015 (ESPAD, HBSC, YRBSS,…). Expliquer ces différences pourrait permettre de comprendre les moteurs des baisses de consommation.

Les pays sont différenciés selon que la baisse de prévalence de la consommation d’alcool par les adolescents a été précoce ou tardive, brutale ou progressive.

Ensuite des corrélations sont tentées pour chercher des explications possibles :

  • Modèle culturel de consommation d’alcool (dry or wet)8.

  • Intensité des politiques de contrôle de la vente et de la consommation d’alcool.

  • Mise en œuvre de programmes spécifiques de prévention.

  • Usage des médias électroniques.

  • Marché et marketing de l’alcool.

Le type de boisson alcoolisée consommé et le mode de consommation sont rarement abordés, alors qu’ils figurent parmi les spécificités culturelles qui pourraient préciser utilement les connaissances.

3 … ou qualitatives…

Pourtant des travaux montrent que les pratiques et attentes des jeunes sont différentes selon le type de boisson alcoolisée considéré. Ainsi, pour tenter de savoir comment se forment des attentes spécifiques des chercheurs9 ont travaillé sur l’association entre des états émotionnels et des boissons. Ils ont demandé à un groupe de 283 jeunes Suisses de 9 à 12 ans d’associer des boissons, alcooliques ou pas, à des images d’adultes visiblement heureux, en colère, détendus ou tristes. La méthode AET (Alcohol Expectancies Task) a été développée par Kuntsche pour mener des enquêtes sur différents publics indépendamment des barrières de langue et pour éviter de trop longs questionnaires.

Selon cette étude, la bière est la boisson la plus attribuée et spécifiquement dans les situations où la personne montrée est heureuse ou en colère. Les femmes, et plus particulièrement les femmes heureuses ou détendues, sont associées au champagne et les personnes tristes sont associées au vin blanc. L’expérimentation préalable d’une boisson alcoolisée par les répondants modifie leur réponse.

Certaines limites de cette approche peuvent être pointées. Notamment le fait que les images représentent des personnes seules et pas en situation conviviale et que les pratiques familiales de consommation d’alcool ne sont pas connues. Néanmoins l’existence de différences, quel qu’elles soient, entre les différentes boissons alcoolisées est à noter.

4 … mais peu d’analyses spécifiques sur les types de boissons bues par les adolescents

L’analyse des questionnaires d’enquête permet de constater que parfois les données différenciant les boissons alcoolisées existent. Ainsi en est-il de l’enquête ESPAD10 qui est menée auprès de jeunes de 16 ans scolarisés depuis 1995 et dans un nombre croissant de pays (35 pays en 2019). La taille des échantillons permet de faire des distinctions de genre des jeunes et, pour ce qui est des boissons alcoolisées, de distinguer les types de boissons. Pour les pays présents dans l’étude depuis le début, l’analyse des évolutions sur 24 ans démontrent qu’en moyenne, entre fille et garçon :

  • Il n’y a aucune différence quant au fait d’avoir expérimenté la consommation d’alcool avant 17 ans.

  • Depuis 2015, les filles et les garçons ne se différencient plus non plus sur le critère « avoir consommé au cours des 30 jours précédents l’enquête » (indicateur d’une consommation usuelle).

  • Il y a de moins en moins de différence sur la déclaration d’avoir été ivre au cours des 30 derniers jours.

La publication « ESPAD 2019 » relève que « Bien que la consommation d’alcool demeure très populaire, les tendances temporelles entre 1995 et 2019 indiquent une diminution générale lente mais constante de la consommation d’alcool au cours de la vie et des 30 derniers jours. Une évolution positive peut être observée dans la tendance temporelle de la consommation épisodique intensive (API), la fréquence moyenne de l’échantillon ESPAD ayant atteint un pic en 2007, puis a commencé à diminuer pour atteindre son niveau le plus bas en 2019. Si l’on compare le taux de 2019 au taux de 1995, on constate une augmentation globale de la consommation intensive épisodique11 chez les filles (de 30 % à 34 %) et une diminution chez les garçons (de 41 % à 36 %), ce qui réduit la différence entre les sexes au fil du temps.

L’étude décrit également des résultats selon le type de boisson alcoolisée en spécifiant spiritueux, bière, vin, cidre et premix. La boisson préférée est évaluée à partir de la contribution de chaque boisson, en centilitre d’éthanol, à la quantité d’alcool totale bue lors de la dernière prise d’alcool. Les spiritueux arrivent en tête avec 38 % devant la bière à 31 %. Le vin est préféré à la bière et aux spiritueux en Ukraine, aux spiritueux mais pas à la bière en Géorgie et à la bière mais pas aux spiritueux en Slovaquie. Les jeunes filles sont plus nombreuses à préférer les spiritueux (40 % pour les filles vs 36 % pour les garçons) et aussi le vin (20 % vs 12 %).

Les mêmes données ont été analysées sur la période 1999-2019 par Johanna K. Loy12 qui a constitué des clusters de pays ayant les mêmes trajectoires en termes de pourcentage d’adolescents ayant consommé de l’alcool, de volume consommé et de prévalence de la consommation excessive. Pour les filles, aucune boisson préférée ne se dégage dans les différents clusters mais la proportion de cidre/alcopops a fortement augmenté au fil du temps dans la plupart des clusters. Chez les garçons, la proportion de bière a diminué, mais a dominé au fil du temps dans tous les groupes. Seuls les pays du nord de l’Europe formaient une région géographiquement définie avec la prévalence la plus élevée de consommation excessive d’alcool et le niveau le plus élevé en termes de volume moyen d’alcool pour les deux sexes.

Dans ses conclusions, le rapport ESPAD 2019 fait état d’études qui montrent que bière et spiritueux sont associés à des consommations plus abondantes (Callinan & MacLean, 2016) et que la consommation de bière est associée à des consommations d’alcool risquées et à la consommation de drogues illicites (Dey et al., 2014). Toutefois, le risque de conséquences négatives liées à l’alcool ou de consommation d’autres substances a augmenté chez les personnes ayant des comportements de consommation à risque, peu importe la préférence en matière de boisson (Dey et al., 2014).

Cette enquête montre également que les boissons préférentiellement consommées par les jeunes ne sont pas les boissons traditionnellement consommées dans leurs pays.

5 Conclusion

Les effets délétères de la consommation d’alcool sur les adolescents sont indubitablement dus à la quantité d’éthanol ingérée quel que soit le type de boisson consommé.

La consommation d’alcool des jeunes diminue tendanciellement et cette baisse est attribuée par les chercheurs d’une part à l’impact des politiques (restriction de l’accès, hausse des prix et limitation de la publicité) et d’autre part à un changement de l’image de l’alcool chez les jeunes qui ne ferait plus, pour certains, partie des rites de passage vers l’âge adulte. Ainsi, en France en 202213, près d’un adolescent sur cinq (19,4 %) a déclaré n’avoir jamais bu d’alcool de sa vie (vs 5,4 % en 2002). Mais des comportements à risque subsistent pour une part non négligeable des adolescents14 qui multiplient des occasions de consommation intense d’alcool.

Dans la plupart des pays le vin n’est pas la boisson alcoolisée préférée des adolescents. Les actions responsables de la filière doivent entretenir cette particularité. Pour cela, ils ont besoin d’études différenciant les types de boissons alcoolisées que les jeunes consomment.


1

Meidani, A. (2010). Alcoolisation et pratiques à risques des jeunes : des logiques sociales aux logiques sexuées. DOI 10.3917/ehesp.carri.2010.01.0155

2

M. Pierobon, M. Barak, S. Hazrati, K. H. Jacobsen, Alcohol Consumption and Violence among Argentine Adolescents, DOI 10.1016/j.jped.2013.02.015

3

M-A Douchet, P. Neybourger (2022) Alcool et soirées chez les 04 adolescents et les jeunes majeurs

4

J-P Chartier (2010) Les transgression adolescentes DUNOD

5

J-L Lorrain, rapport d'information au Sénat n° 242 (2023)

6

Cross-national time trends in adolescent alcohol use from 2002 to 2014 - Eva Leal-Lopez & al. Jul. 2021

7

Trends in adolescent drinking across 39 high-income countries: exploring the timing and magnitude of decline - Rakhi Vashishtha & al. Nov. 2020

8

" La culture de consommation " dry " se caractérise par un haut taux d'abstinence dans la population, une forte consommation d'alcool occasionnelle, souvent de la bière ou des spiritueux dans les festivals ou durant les fins de semaines, et un fort taux de mortalité relié à l'intoxication (surdose), mais peu de problèmes sociaux et de santé liés à l'alcool (Room et Mäkelä, 2000 ; Room, 2001). La culture " dry " est souvent associée aux pays scandinaves, aux États-Unis et au Canada. À l'inverse, la culture " wet " se caractérise par un faible taux d'abstinence, et une consommation régulière de vin lors des repas, même à tous les repas, et une intégration de la consommation dans les normes et valeurs de la culture. Les pays méditerranéens représentent souvent la culture " wet " (Cahalan et Room, 1974 ; Room et Mäkelä, 2000 ; Bloomfield et al., 2003 ; Kuendig et al., 2008) ". Fortin, M. (2016). Historicité des études typologiques en alcoologie. Drogues, santé et société 14(2), 70-89. https://doi.org/10.7202/1037733a

9

Do different drinks make you feel different emotions? Examination of young adolescents' beverage-specific alcohol expectancies using the Alcohol Expectancy Task - Megan Cooka & al.

10

ESPAD report 2019 Results from the European School Survey Project on Alcohol and Other Drugs (15 to 16 years old students) - ESPAD group

11

Consommation intensive épisodique = consommation d'au moins 5 doses d'alcool en une seule occasion au cours des 30 jours précédents

12

Loy JK, & al. Changes in Alcoholic Beverage Choice and Risky Drinking among Adolescents in Europe 1999-2019. Int J Environ Res Public Health. 2021 Oct 18;18(20):10933. doi: 10.3390/ijerph182010933.

13

Enquêtes ESCAPAD (France métropolitaine), OFDT

14

DOUCHET M.-A., NEYBOURGER P. Alcool et soirées chez les adolescents et les jeunes majeurs. Tendances, OFDT, 2022, n° 149, 8 p

References

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  • "La culture de consommation " dry " se caractérise par un haut taux d'abstinence dans la population, une forte consommation d'alcool occasionnelle, souvent de la bière ou des spiritueux dans les festivals ou durant les fins de semaines, et un fort taux de mortalité relié à l'intoxication (surdose), mais peu de problèmes sociaux et de santé liés à l'alcool (Room et Mäkelä, 2000; Room, 2001). La culture " dry " est souvent associée aux pays scandinaves, aux États-Unis et au Canada. À l'inverse, la culture " wet " se caractérise par un faible taux d'abstinence, et une consommation régulière de vin lors des repas, même à tous les repas, et une intégration de la consommation dans les normes et valeurs de la culture. Les pays méditerranéens représentent souvent la culture " wet " (Cahalan et Room, 1974; Room et Mäkelä, 2000; Bloomfield et al., 2003; Kuendig et al., 2008) ". Fortin, M. (2016). Historicité des études typologiques en alcoologie. Drogues, santé et société 14(2), 70–89. https://doi.org/10.7202/1037733a [CrossRef] [Google Scholar]
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